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Dans cette interview, Typhaine Soldé, athlète paralympique, nous parle de sa jeune carrière, déjà riche. De ses débuts en athlétisme à sa qualification pour les mondiaux de Dubaï en 2019, elle retrace les éléments qui l’ont marquée. Elle évoque également son quotidien de sportive confinée et ses ambitions futures qui ne cessent de croître.

 

Source: Florent Perville

 

Salut Typhaine, pour commencer, peux-tu nous présenter ton sport ?

Je pratique l’athlétisme handisport. Je fais du 100 mètres, du 200 mètres et du saut en longueur dans la catégorie T/F 64 qui représente les simples amputés tibiaux. Il n’y a pas de différence entre l’athlétisme valide et l’athlétisme handisport dans ma catégorie, ce sont exactement les mêmes règles.

Pourquoi t’es-tu orientée vers ce sport ? Qu’est-ce qui te plait le plus dans la pratique de ce sport ?

J’ai débuté l’athlétisme un peu par hasard. Au départ, ce n’était pas un sport que j’aimais pratiquer. En plus, je n’avais qu’une prothèse de ville donc j’ai opté pour le handball qui était plus simple pour moi (au poste de gardienne de but). Cependant, au bout d’un moment, je ressentais le besoin de me défouler, de courir, de trouver de nouvelles sensations. Grâce à mes prothésistes et à d’autres personnes autour de moi, j’ai pu bénéficier d’une prothèse tibiale pour le footing.

Au départ, ce n’était que pour m’amuser. Mais un jour, on m’a invitée à un évènement mis en place par mes prothésistes où se trouvait Marie-Amélie Le Fur (athlète paralympique), qui revenait des Jeux Paralympiques de Rio et parlait de son parcours. J’ai pu discuter avec elle. Elle trouvait que je me débrouillais bien avec ma prothèse et une de ses phrases m’a marquée lorsqu’elle m’a dit : « Ça fait combien de temps que tu as ta prothèse Typhaine ? », à quoi je lui ai répondu : « Quelques semaines mais je ne m’en suis pas beaucoup servie… ». Elle m’a alors directement proposée d’aller voir le coach pour discuter avec lui. J’ai donc pu échanger avec le coach et quelques mois après, j’étais à Tours, en sport-étude.

Peux-tu nous présenter ton palmarès ?

J’ai commencé à m’entrainer sérieusement à partir de 2017 car avant cela, j’étais inscrite dans un club (à Segré, en Pays de la Loire) mais sans pour autant faire de compétition. Cette même année, j’ai fait mes premiers championnats de France qui étaient un peu désastreux car je courrais depuis peu de temps. À la suite de ça, en septembre 2017, je suis rentrée au pôle espoir de Tours. Ma saison 2017-2018 n’a pas été top, je n’ai pas fait de bons résultats, j’étais très déçue. Je doutais beaucoup de moi. Mais en 2018, lors de ma deuxième année au Pôle espoir, j’ai fait 3e aux Championnats de France en salle, en 60m et en saut en longueur. Ce résultat m’a permis de me qualifier aux Championnats d’Europe jeunes, en Finlande, en juin 2019. C’était ma première sortie internationale. Là-bas, j’ai concouru en 100m, saut en longueur, lancer de poids et lancer de disque. J’ai remporté une médaille d’argent en lancer de poids.

Malheureusement, sur les autres disciplines, comme j’étais la seule athlète amputée, il n’y pas eu de podiums. Elles m’ont donc servie à faire des temps de référence et grâce à mes résultats de l’année 2019, j’ai pu rentrer dans le top 12 du classement mondial élite et me qualifier pour les Championnats du monde à Dubaï (9e place en saut en longueur et record personnel sur 100m). J’étais l’athlète amputée la plus jeune à y participer. C’était une expérience folle à vivre, à mon âge (17 ans), une expérience rare pour quelqu’un de si jeune. J’y suis allée surtout dans l’optique d’acquérir de l’expérience mais aussi de performer même si le niveau en face de moi était très élevé. Dernièrement, en février, j’ai participé aux Championnats de France où j’ai fait une deuxième place en saut en longueur.

Quel est le plus beau souvenir de ta carrière jusqu’à présent ?

Les championnats du monde à Dubaï car c’était un évènement énorme mais je me rappelle aussi très bien du saut qui m’a permis de me qualifier aux Championnats du monde. C’était à Marseille, lors d’un meeting. C’est un beau souvenir car j’avais fait un concours vraiment très mauvais ce jour-là, et sur le dernier saut, j’avais réussi à battre mon record personnel et à me qualifier pour les Championnats du monde.

As-tu un sportif qui t’inspire particulièrement ?

Je suis inspirée par pleins d’athlètes. Bien sûr, j’adore Marie-Amélie Le Fur, son palmarès, sa façon d’être, je la trouve géniale mais tout athlète a du mérite et des qualités.

Poursuis-tu des études à côté ? Si oui, comment fais-tu pour allier les deux ?

Actuellement, je suis en sport-étude à Tours. Je suis un cursus classique. J’ai fait une seconde générale, suivie d’une première technologique. Néanmoins, j’ai la chance de pouvoir faire ma terminale en deux ans. Cela veut dire que je fais la moitié des matières cette année et l’autre moitié l’année prochaine. J’ai un emploi du temps très allégé pour pouvoir faire du sport. J’ai cours de 8h à midi et l’après-midi, je m’entraîne pendant environ 3 heures.

Après avoir répondu à ces quelques questions sur ton sport et ton palmarès, nous allons désormais parler de cette période inédite qui demande aux sportifs de s’adapter comme ils le peuvent.

Tout d’abord, quel est ton état d’esprit vis-à-vis de la situation actuelle ?

La première question que je me suis posée était : « Comment je vais faire pour suivre les entraînements ? » car j’ai dû revenir chez moi, à Angers. Il y a une structure mais bien sûr, elle est fermée actuellement. Je ne voulais pas partir de Tours parce que je voulais absolument continuer à m’entrainer. Je me suis beaucoup posée la question sur les entraînements, comment j’allais tenir psychologiquement avec cette ambiance totalement différente. Cela étant, j’arrive à trouver des choses à faire, je m’adapte à mon environnement. Il faut trouver la routine permettant que le temps passe rapidement.

Qu’est-ce qui te manque le plus en cette période de confinement ?

Voir mes amis car je suis quelqu’un qui aime bien sortir. Quand je suis à Tours, ma famille me manque mais maintenant que ce manque est comblé, ce sont mes amis qui me manquent.

Qu’est-ce que tu apprécies le plus dans le confinement ?

Comme je suis dans un petit appartement à Tours, je ne peux pas vraiment cuisiner. Maintenant que je suis chez moi, je peux le faire. Aussi, je suis avec mon petit frère, il est content de me voir et qu’on fasse beaucoup d’activités ensemble.

As-tu des contacts avec ton club (ton entraîneur, des coéquipiers) ?

Comme je fais partie d’un pôle espoir, on a la chance d’être vraiment soudé. Nous sommes un groupe de 6 athlètes, qui s’entendent tous très bien, on se donne des nouvelles plusieurs fois par semaine. Également, dès que je fais une séance, je donne à mon coach mes ressenties, je lui décris ce que j’ai réussi à faire.

Que fais-tu pour te maintenir physiquement pendant cette période ?

J’ai un programme d’entrainement. Mes préparateurs physiques m’ont donné des séances à faire, mon coach aussi. Donc tous les jours, de 15h à 17h, je fais ma séance de renforcement musculaire, c’est ma routine quotidienne de sport et j’arrive à m’y tenir.

Quels seront tes objectifs pour ton retour à la compétition ? (À court et long terme)

Avec le confinement, les Jeux Olympiques et Paralympiques ont bien sûr été reportés. Beaucoup d’athlètes étaient agacés par ça mais pas moi. J’avais le niveau pour aller aux Championnats du monde mais pour les Jeux Paralympiques, la marche est bien plus haute. Ce report me permet de m’entrainer davantage pour être prête dans un an. A court terme, je vise donc une qualification pour les Jeux Paralympiques de Tokyo. Après, en 2021, il y aura aussi les Championnats du monde au Japon et les Championnats d’Europe. Pour ce qui est du long terme, l’objectif, ce sont les Jeux en 2024, à Paris. C’est un objectif que l’on vise, où l’on voudrait être performant.

Quelle est la première chose que tu feras après le confinement ?

Prendre l’apéro avec mes potes. Je ne devrais pas dire ça mais c’est totalement ce que je ferai.

Pour les athlètes handisports, le manque de médiatisation est souvent décrié. De ce fait, il leur est souvent compliqué de vivre de leur passion. En ce qui te concerne, que penses-tu de la médiatisation du handisport en France ?

Pas des choses très positives. On n’est clairement pas assez médiatisé. Il y a des athlètes incroyables, en athlétisme, mais aussi dans tous les autres sports. Par exemple, Marie-Amélie Le Fur qui enchaîne les médailles d’or (3 médailles d’or aux Jeux Paralympiques, 4 titres de championnes du monde), on en entend très peu parler, d’autres recordmans du monde aussi n’ont pas accès à la médiatisation qu’ils méritent. Les derniers Championnats du monde à Dubaï sont passés inaperçus, il n’y a pas eu de rediffusion. C’était la première fois que les Championnats du monde ne passaient pas à la télévision. Il y a eu un gros coup de gueule de la part des athlètes paralympiques, que je soutiens.

Qu’est-ce qui pourrait être fait pour améliorer cela ?

Je ne vais pas dire qu’il faudrait plus de médailles car même s’il y’a plus de médailles, on n’en entendrait pas parler. Les réseaux sociaux c’est bien mais il n’y a pas tout le monde dessus. Mais j’espère que les Jeux Paralympiques en 2024 feront bouger les choses parce que pleins d’initiatives sont mises en place. Les gens s’intéressent de plus en plus au handisport, et je reste persuadée que si certains championnats d’handisport passaient à la télévision, cela intéresserait les gens. C’est juste qu’ils n’osent pas le faire, par peur que ça ne soit pas assez regardé mais je suis sûre que les gens seraient intéressés de voir ça.

Pourquoi avoir décidé de rejoindre Futur Sport ? Quelles sont tes attentes ?

Je trouvais que le projet était sympa. Ce qui est proposé m’intéresse beaucoup. Je suis assez nouvelle dans le milieu du sport professionnel et je n’arrive pas forcément à gérer tout le côté médiatique. Je n’étais pas une grande fan des réseaux sociaux et j’ai parfois du mal à gérer cela. Donc, il pourrait m’aider à être plus médiatisée, pour montrer que le handisport est là d’une manière générale.

On remercie Typhaine d’avoir répondu à nos questions. Nous vous tiendrons bien sûr au courant de son actualité sportive. Une actualité qui sera chargée en 2021 avec les Championnats du monde mais également les Jeux Paralympiques en ligne de mire. Une athlète jeune et pleine d’ambition, à suivre de près.

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